La relation entre les journalistes et les professionnels de la communication a longtemps été marquée par une certaine distance, mais les évolutions récentes de l'écosystème médiatique bouleversent cette dynamique. Aujourd’hui, à l'heure de l'essor de l'intelligence artificielle, de la pression croissante sur les performances des contenus et de la montée en puissance des réseaux sociaux, les frontières se brouillent et une nouvelle ère de collaboration s'ouvre. Les journalistes, tout comme les communicants, doivent composer avec de nouveaux enjeux : la quête de crédibilité, la vérification de l’information, et la gestion de l’audience. Dans cette interview, Régis Thibault nous offre un décryptage des attentes réciproques entre ces deux professions et partage sa vision d’une relation devenue plus équilibrée, parfois même partenariale.
Quels sont les défis auxquels ils font face ? Comment s’adapter aux nouvelles attentes ? Et quelle place la France occupe-t-elle dans ce contexte international ?
La parole est à Régis Thibault, Directeur de la communication de l'association Article 1 et Directeur-fondateur LES PARTISANS RP & INFLUENCE.
Quelles sont tes réactions, retours sur les enjeux de ta profession, mais aussi les contraintes et les réussites métiers ?
Je constate que la relation entre professionnels de la communication et journalistes s’équilibre de plus en plus. Par le passé, on pouvait avoir l’impression d’être un peu pris de haut ou méjugés par les journalistes.
Mais avec la nouvelle pression sur les résultats, la transformation des groupes médias et la concurrence des influenceurs, les journalistes sont eux aussi soumis à une logique « entreprise » qui se rapproche ainsi des enjeux des communicants.
Dès lors, on voit apparaître une relation partenariale plus forte, et donc plus équilibrée. Les journalistes ont tout autant besoin des communicants que les communicants ont besoin d’eux.
Quels sont les chiffres qui t'ont le plus étonnés et pourquoi ?
Ce qui m’étonne le plus, c’est le rapport aujourd’hui plus franc et direct à la notion de « performances des contenus ». Les notions d’engagement et d’audience, donc des critères « performatifs » ont pris le pas sur les valeurs.
Je suis également interpelé par la différence de priorités selon la provenance des journalistes. Il semble que la quête de vérité et la lutte contre les fake news soient moins des priorités des journalistes nord-américains que pour leurs homologues européens. Étonnant quand on considère le flot de fake-news émanant des plateformes américaines !
Quelles sont les attentes des journalistes par rapport à un CP, de l'état de la relation entre professionnels des RP et les journalistes ?
Le premier « irritant » des journalistes est le même depuis toujours : être sollicité par des communicants qui n’ont aucunement pris la peine de connaître et comprendre les besoins du journaliste de son média, de sa rubrique. Je peux tout à fait comprendre leur lassitude voire exaspération, mis en perspective de la quantité astronomique de sollicitations qu’ils reçoivent.
Cette situation montre la différence entre les vrais professionnels des RP, appliqués et impliqués, et les communicants qui improvisent ou font juste preuve d’opportunisme.
Quelle est la différence d’approche lorsque l’on souhaite communiquer, entre un journaliste de presse régionale et un journaliste de presse nationale, entre une presse grand public et une presse pro entre un support écrit, TV, Audio, et vidéo ?
1. France vs Européen : il y a une vraie différence dans les critères de validité des datas. J’ai par exemple réussi à obtenir la Une d’un des principaux journaux espagnols avec une étude basée sur une centaine de consommateurs de mon entreprise… alors même qu’aucun média français n’y a accordé une seule attention ou crédibilité.
2. Régional vs national : j’aime beaucoup collaborer avec les journalistes locaux et régionaux. On est vraiment sur une approche sincère, plus simple. Mais attention, à nous aussi, ici, de fournir une information « utile », bien localisée et cohérente.
3. Grand public vs pro : la relation avec les journalistes de la presse pro peut être compliquée. Elle est en tout cas à double tranchant. Sur des sujets très pointus, certains journalistes peuvent être beaucoup plus calés que nous, et ils seront intraitables si nous commettons la moindre erreur. Cependant, ils peuvent parfois devoir subir une logique « commerciale », devant dresser le tapis rouge pour convaincre une entreprise de signer une page de pub pour la pérennité financière du média.
4. Écrit vs tv vs Audio vs vidéo : toutes les cartes sont redistribuées puisque désormais, un seul contenu doit pouvoir être décliné et déclinable en multi-canal. Donc charge à nous, communicants, de fournir les bons éléments pour anticiper cette logique multi-canal.
Quelle problématique métier souhaiteriez être prise en compte lors d’une prochaine étude ?
J’aimerais connaître le sentiment des journalistes face à la polarisation de plus en plus forte de l’espace médiatique. On le constate, rachat après rachat, polémique après polémique… les médias sont de plus en plus politisés. Côté entreprises et communicants, il devient parfois délicat de se positionner vis-à-vis de tel ou tel média. Doit-on accepter une interview dans un média politiquement très marqué ? Quelle différence de traitement d’une actu d’entreprise en fonction de l’orientation politique d’un média ? Quelle place pour la neutralité journalistique dans un groupe média plus politisé ?
Etude monde 2024 : Rapport sur l’État des Médias
Quels sont les nouveaux défis posés par l'évolution des comportements du public ?
Comme chaque année et pour la 15ème édition, Cision a interrogé les journalistes à travers le monde pour dresser un état des lieux de la profession et connaître leurs sentiments sur l’évolution de leur métier.
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